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Le BREXIT et cette Angleterre que les expatriés n’avaient pas envie de regarder en face

juillet 1st, 2016 · 6 Comments

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Au fond, le plus difficile à accepter avec ce Brexit, c’est la lourde sensation d’avoir rêvé un pays qui n’existe pas… Explications… 

Quand on est Français et qu’on habite à Londres, on vit dans un melting pot incroyable. Ca bouge de partout, les immeubles poussent à droite à gauche, les business grandissent, les cultures se mélangent ou au moins se cotoient, les influences sont réelles, la vie est cosmopolite, la ville est terriblement excitante.

Qu’on soit riche ou pas, qu’on soit banquier, serveur, étudiant ou simple employé, chacun peut trouver sa place. Et il est simple croire que cette ville qu’on aime tant est un monde à part entière. Une planète à elle-seule. Tout est tellement cool. Pragmatique. Branché. Hipsters. Londres. London. Les Anglais. L’Angleterre. La Grande-Bretagne. le Royaume-Uni. Quel pied ! Quel rêve ! Quel fantasme…

52% for LEAVE…

Car un jour, on se réveille un vendredi matin avec la tête un peu douloureuse. Pas un de ces matins où l’on paie cash les pintes de la veille. Non, en quelques minutes sur la BBC, on réalise que tout notre monde n’existe pas. Ou du moins, il n’est pas celui qu’on pensait. La vie à Londres est une illusion. Une bulle qui vient d’exploser.

Pour le comprendre, il faut justement sortir de Londres. Je dis sortir. Au-delà du Kent, de Brighton, de la virée annuelle au Royal Ascot ou du joli folklore touristique de Windsor avec les cousins de passage. Ouvrir les yeux sur l’Angleterre telle qu’elle est. Accepter de voir que ce pays a négligé sa population au profit de Londres, de la finance, des services et de la consommation de masse.

C’est en allant dans ces villes délaissées par les politiques qu’on comprend comment le BREXIT s’est imposé dans les esprits. Evidemment, cette campagne fût faite de mensonges, de contre-verités, de chiffres truqués et d’arrières pensées xénophobes. Mais ces Anglais qui vont voté pour le LEAVE sont rarement ceux qu’on croise, même furtivement, à St Pancras. Ils sont plutôt dans les films de Ken Loach. Ils sont le visage de l’Angleterre qu’on n’a pas envie de regarder en face quand on est expat.

Ouvrir les yeux

Je pense à ces habitants de Oldham, ancienne gloire du textile au XIXe siècle qui a voté à 62% pour le BREXIT. Là-bas, les emplois sont partis depuis longtemps avec les dernières délocalisations. Il n’y a plus grand chose à faire. La promesse de « Reprendre le contrôle » a fait mouche. Le contrôle de quoi, ils n’en savent pas grand chose mais avec ce LEAVE, ils ont eu l’impression de faire quelque chose.

Je pense à ces habitants de Rochdale dans la banlieue Manchester qui vivent encore dans l’illusion que la Grande-Bretagne peut redevenir une puissance industrielle. Ces chômeurs souvent édentés, ces mères parfois célibataires et ces pilliers de pub ont juste l’impression que la mondialisation les a laissé sur le côté de la route. Alors un LEAVE c’est une manière de dire non. Non au système, à Londres, au gouvernement, à Cameron, aux médias, aux organismes du monde entier qui prédisaient Armageddon en cas de Brexit. Non.

Je pense à ces habitants de Boston où le rejet de l’immigration d’Europe de l’Est a propulsé le LEAVE à 75%… L’étranger, tellement simple comme bouc-émissaire. Il faut dire que dans la région, les Polonais, les Roumains et autres Lituaniens sont arrivés massivement depuis 10 ans pour travailler dans l’agriculture à des salaires particulièrement bas. Ils représentent 15% de la population de Boston et ce nouveau visage ne plait pas à tout le monde… Ironie de l’histoire, c’est la Grande-Bretagne qui a poussé pour favoriser en Europe le déplacement de la main d’oeuvre « détachée ». Aujourd’hui, le peuple anglais se rebiffe sur cette même question…

Et demain.. ?

Je sais que mon propos pourra être mal interprêté, qu’il est un peu caricatural. Que le vote BREXIT est très complexe, qu’il ne peut se résumer à un match Nord/sud, pauvres/riches, vieux/jeunes… Mais ca n’est définitivement pas depuis Londres que l’on peut saisir la réalité de cette Angleterre à deux vitesses. Ces zones rurales ou urbaines delaissées où le progrès social et le boom économique ne sont pas accessibles. Ces Anglais qui ont perdu espoir et qui ne croient plus en la politique.

On se dit que le plus dur sera la chute. On voit déjà se fissurer le front « BREXIT » qui manifestement n’était pas tout à fait prêt à l’emporter. Boris Johnson fuit plus vite qu’il ne pourrait le faire sur ses vélos en libre-service. Les autres chantres du LEAVE font profil bas. Et certains avouent déjà que les arguments de campagne étaient faux. Tant pis, c’est trop tard. C’est fait. Le peuple a parlé. Que ce soit pour de bonnes ou de mauvaises raisons, c’est terminé.

Restons optimistes : le pays va s’en remettre. Il aura peut-être perdu l’Ecosse au passage mais ca finira par aller. Le UK va négocier des traités et de nouveaux échanges commerciaux. Certes, ca ne va pas être facile de garder La City telle qu’elle a été mais à moyen ou long terme, le Royaume-Uni se relevera. Seule certitude pour autant, croyez moi, le Londres que nous avons connu est terminé. D’ici là, profitons-en.

Tags: Editorial / POV

6 responses so far ↓

  • 1 Murielle // Juil 2, 2016 at 1:15

    Attendre de voir notre statut changer ..car il va changer .je ne sais pas si je resterai .l Angleterre qui m’a fait venir ici n’est plus la même depuis vendredi .

  • 2 Col // Juil 2, 2016 at 1:16

    merci pour cette lucidité, celle que les médias ne montrent pas !

  • 3 Laura // Juil 2, 2016 at 1:16

    Article très bien rédigé!! Je conçois parfaitement ton point de vue! Par contre le Londres terminé, je ne suis pas sûre…

  • 4 Jeanne // Juil 2, 2016 at 1:17

    Peut etre que ces personnes voulaient reagire mais elles auraient put se reveiller un peu plus tot a d autres elections. Un article sympatisant mais aussi un peu romantique a mon avis.

  • 5 Anne-Sophie // Juil 2, 2016 at 1:17

    Cook d avoir un avis de l autre côté de la frontiere. ..Londres ne représente pas l Angleterre tout comme paris ne représente pas la France 🙂 J espère que ce non du peuple fera réagir les consciences …Quant au changement de Londres à vs citoyens de faire en sorte que « rien » ne change 🙂

  • 6 Sabrina // Mai 30, 2017 at 1:17

    La question que je me pose est : sera-t’il encore possible de s’expatrier à Londres, d’y travailler ? Moi qui rêve d’y vivre depuis mon adolescence et qui en avait le projet, j’économise depuis quelques temps pour essayer d’avoir de quoi m’assumer si je ne trouve de boulot de suite. Mais une fois que le brexit sera effectif, qu’en sera-t’il ? Quitter un emploi sûr dans mon pays où je ne m’épanouis pas pour tenter l’aventure londonienne risque de rester un rêve ! Je suis vraiment dégoûtée !

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